Nos fédérations avaient déjà sonné l’alarme en novembre dernier lors des premiers débats autour de la proposition de loi dite « Attal », visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents. Malgré quelques adaptations apportées par l’hémicycle pour limiter la portée essentiellement répressive du texte, notamment par la systématisation de la justice réparatrice pénale, le texte adopté ce jour constitue un recul majeur pour les défenseurs d’une justice éducative, individualisée et humaniste respectueuse des droits de l’enfant.
Restaurer l’autorité de la justice, mais pas au détriment de la protection de l’enfance
La volonté de restaurer l’autorité de la justice ne peut que rencontrer l’adhésion de tous. Mais à l’accompagnement éducatif et au soutien parental qu’il est urgent de renforcer, les députés dans leur majorité ont préféré voter des mesures répressives à l’encontre des parents les plus en difficulté.
En effet, la loi dans ses articles 1 et 2 met à l’amende civile et pénale avec risque d’incarcération et travail d’intérêt général en peine complémentaire non seulement les parents des enfants délinquants, mais aussi les parents des enfants protégés par l’aide sociale à l’enfance qui demain pourront être condamnés pour manquements éducatifs répétés. La définition de ces « manquements » est tellement large que tous les parents des enfants protégés peuvent être concernés par cette nouvelle disposition que leurs enfants aient commis des infractions ou pas.
Ces parents encourent désormais une peine de deux ans de prison, 30 000 euros d’amende et une peine de TIG, si leur enfant n’a pas commis d’acte de délinquance, et 3 ans de prison, 45 000 euros d’amende et toujours une peine de TIG si leur enfant a commis des infractions.
Est-ce la façon dont on souhaite accompagner les parents en difficulté à l’heure où nous attendons les conclusions de l’enquête parlementaire sur les manquements de la protection de l’enfance et au lendemain du troisième anniversaire de la loi Taquet qui peine toujours à être appliquée ?
Juger rapidement les enfants, mais pas dans l’immédiateté
Le nouveau code de justice pénale des mineurs permet déjà à travers l’audience unique de juger rapidement les mineurs récidivistes sous 10 jours.
La loi crée en plus la comparution immédiate. On pourra désormais juger un mineur le jour même de son déféremment, avec un risque d’emprisonnement toujours plus grand à l’image de ce que l’on constate chez les majeurs où la comparution immédiate est allée de pair avec l’inflation carcérale dénoncée par tous les acteurs de la justice.
Car, comment garantir la prise en compte de la situation du jeune et de son évolution sans aucun délai ? Ces éléments sont nécessaires à une prise de décision éclairée du magistrat. Comment l’enfant et son avocat peuvent-ils préparer sa défense, lui qui manque parfois d’un soutien parental ?
Rappelons qu’environ 50% des mineurs pris en charge pénalement ont également fait l’objet d’un suivi au titre de l’enfance en danger.
Responsabiliser l’enfant, mais sans le considérer par défaut comme un adulte
La proposition de loi votée inverse le principe de l’excuse de minorité et considère par défaut qu’un enfant de plus de 16 ans doit être jugé comme un adulte dès lors qu’il est en état de récidive, y compris pour des faits délictuels.
A l’âge où le jeune est en plein développement psychique et émotionnel, c’est au contraire le moment de développer et prioriser des réponses pénales éducatives et préventives, des procédures adaptées aux adolescents leur donnant le temps de comprendre, de réparer, de se réparer, et d’éviter qu’il s’installe durablement dans la délinquance.
Ce n’est pas le chemin que choisit de prendre ce texte. Certes, il systématise la justice réparatrice et le prononcé avec l’accord de la victime de réparation et de médiation pénale, mais à quel prix au regard des autres dispositions de la loi.
Nous appelons le Sénat à revenir aux principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs et à considérer qu’un enfant reste un enfant, quel que soit son parcours de vie.
Contacts presse :
Uniopss
Valérie Mercadal
01 53 36 35 06
vmercadal@uniopss.asso.fr
Citoyens & Justice
Vincent Blanchon
05 56 99 29 24
v.blanchon@citoyens-justice.fr