Dans une tribune parue sur le site de Médiapart le 15 février 2022, Patrick Doutreligne, président de l’Uniopss, revient sur la révélation des scandales concernant certaines groupes privés spécialisés dans l’hébergement des personnes âgées.
Interrogeant les responsabilités de ces dérives, il appelle à faire du grand âge la grande cause nationale du prochain quinquennat.
La révélation des scandales actuels heurte à juste titre l’opinion publique quant au traitement réservé à nos aînés dans certains établissements.
Elle heurte également les professionnels engagés dans le soin et l’accompagnement des personnes âgées, pour la majorité d’entre elles dépendantes, ainsi que les structures publiques et privées qui déploient des efforts considérables pour maintenir une qualité de prise en charge dans un contexte dégradé connu de tous, et accentué par la pandémie.
D’abord quelques éléments de connaissance : 50 % de ces établissements sont publics, 30 % sont gérés par des structures associatives sans but lucratif. Il reste les 20 % gérés par le secteur privé commercial, mis en exergue ces jours-ci.
L’extension du secteur lucratif est due au choix initial des pouvoirs publics d’ouvrir ce pan de la protection sociale des plus vulnérables à ce secteur, contrairement à ceux du handicap, de la protection de l’enfance et bien entendu de la lutte contre l’exclusion. Cette part de plus en plus importante du secteur commercial est également le reflet du manque d’établissements par rapport aux besoins liés à l’évolution démographique de notre pays. Le modèle économique de création de telles structures et l’assise financière présentée par ces groupes commerciaux, les placent en position favorable et apparaissaient comme une garantie pour les pouvoirs publics.
Mais qui est responsable de ces dérives ?
Pas le personnel soignant, d’accompagnement ou d’animation qui est qualifié et dévoué. Mais force est de constater qu’il doit faire face à des conditions de travail dégradées : pénurie de personnel, rémunérations encore insuffisantes...
L’État ? Il a assurément une responsabilité sur les moyens financiers accordés, sur les reports successifs d’une grande loi autonomie, sur le manque d’organisation administrative d’encadrement et de contrôle.
Les départements ? Ils ont la charge financière des aspects autres que sanitaires, à savoir l’accompagnement, l’animation, ainsi que de l’aide sociale pour les personnes âgées aux revenus les plus faibles. Là aussi, beaucoup n’ont pas été à la hauteur de leurs responsabilités.
Les autres collectivités locales ? Elles ne peuvent pas non plus être dédouanées du soutien accordé ou de la méconnaissance d’événements se situant sur leur territoire et concernant leurs administrés.
Mais la responsabilité n’est-elle pas, en réalité, collective ? N’a-t-on pas tous fermé les yeux sur le sort de ces personnes âgées dépendantes ?
Il ne s’agit pas là de diluer les responsabilités mais bien d’appeler à faire du grand âge une véritable grande cause nationale. Le premier acte urgent et fort du nouveau quinquennat devra être l’adoption d’une loi pour l’autonomie à la hauteur des enjeux sociaux et démographiques.
La grandeur d’une Nation se mesure à l’attention qu’elle porte aux plus vulnérables de ses concitoyens que sont les enfants, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les personnes pauvres ou précaires.
C’est un véritable choix de société qui se pose à nous et la période électorale qui se présente devient une opportunité évidente à saisir.
Patrick Doutreligne,
Président de l’Uniopss